À 17 ans, alors qu’il se rêve footballeur professionnel, Yvan découvre la natation presque par hasard, en passant son diplôme de nageur sauveteur spécialisé sur les côtes dangereuses du Pays Basque. La mer devient vite son horizon. Sauveteur à la SNSM dès 1987, il enchaîne la surveillance des plages, des bassins, jusqu’aux responsabilités de direction des piscines-Aquapaq de l’agglomération. « Depuis 40 ans, je vis dans le milieu aquatique », résume-t-il. Derrière le professionnel passionné, il y a aussi l’histoire plus intime, plus résiliente, d’un homme qui a fait de sa maladie, le diabète de type 1, un moteur ; et du dépassement de soi, un art de vivre.
Toujours repousser ses limites
C’est à l’âge de 28 ans que sa vie bascule. En plein essor sportif, triathlète accompli, il encaisse le diagnostic brutal : diabète de type 1. « Du jour au lendemain, cinq injections d’insuline par jour. » S’il accuse le coup un temps, il choisit très vite de rebondir. « Ce n’est pas ma vie qui devait s’adapter au diabète, mais le diabète qui devait s’adapter à ma vie. » Une philosophie qui ne l’a plus quitté. Marathons, nage en eau libre, heures d’entraînement en solitaire… Yvan Derrien n’a jamais cessé de repousser les limites, faisant du diabète un compagnon de vie plutôt qu’un ennemi. Sa force ? Sa capacité à transformer l’obstacle en défi. Et justement, de défi relevé, en 2021, il obtient l’attestation officielle pour participer à la traversée de la Manche (l’Everest des mers pour les nageurs en eau libre), après avoir nagé six heures d’affilée. « J’étais parti pour trois heures sur les conseils et prescriptions de ma diabétologue, j’en ai fait le double. » Ce succès lui ouvre de nouvelles perspectives : pourquoi ne pas faire le tour à la nage de l’île de Groix, ce bout de terre qu’il connaît depuis toujours ? C’est ainsi qu’est né Un océan d’espoir. Avec ce projet, il veut aller plus loin : « Je veux montrer que la maladie ne condamne pas à s’arrêter de vivre. On est quatre millions de diabétiques en France. Avec les proches, ça touche un quart de la population. On n’en parle pas assez. » regrette-t-il.
Qui voit Groix...
18 septembre, au petit matin, il s’élance pour une traversée de 27 km. Nuit noire, mer d’huile, silence profond. « J’étais seul au monde. Chaque mouvement de bras faisait scintiller le plancton autour de moi. C’était magnifique. » Une ambiance étrangement calme qui ne présage rien de la suite… Soudain la houle s’intensifie pour atteindre des creux de 1m70 avec 3-4 secondes entre chaque vague, puis surgissent des bancs de milliers de méduses qui le piquent à de nombreuses reprises, sa pompe à insuline se décroche… Risque de choc anaphylactique, paralysie du bras droit et vomissements, les difficultés s’accumulent comme des avertissements. L’équipe médicale et technique qui le suit en temps réel, s’inquiète. Faut-il continuer et prendre de tels risques ? « C’est terrible de dire stop après deux ans de préparation. Mais ce n’est pas un échec, c’est une étape pour réussir.» confie Yvan qui renonce environ à mi-parcours, après 4H45 de nage, conscient que les éléments et les circonstances en ont décidé autrement. Cette expérience a fait naître bien plus : « une communauté de l’espoir » rebaptise Yvan. Tant les messages de solidarité et de soutien ont redoublé à son retour. Particuliers, familles, collègues, amis, sponsors potentiels… ce défi est aussi devenu le leur. Tous se tournent déjà vers la prochaine tentative, programmée en juin 2026.
Une aventure humaine et solidaire qui ne fait que commencer…
© Images complémentaires : Drone : Eneou Leost / Sous l’eau : Drew Austin / Top-site : Tanguy Laot