MAG16 : À Quimperlé, Tout le monde connaît votre magasin au bord de l’Isole. Il existe depuis plus de soixante ans, racontez-nous son histoire ?
Xavier Nicolas : C’est mon père qui a créé l’entreprise en 1956 à Maison rouge, dans la rue de Quimper à Quimperlé. Aujourd’hui, il y a un garage automobile à la place. Car, en 1964, il me semble, mon père a eu l’opportunité de s’installer ici en basse-ville pour agrandir son magasin. Il avait plus d’espace et une meilleure visibilité car la basse-ville est un point de passage important. J’ai repris la boutique à mon compte il y a 29 ans, mais j’ai toujours travaillé ici, puisque je suis rentré dans l’entreprise en 1977.
MAG16 : À l’heure où le commerce de centre-ville semble éprouver des difficultés, comment vivez-vous la situation ?
Xavier Nicolas : Pour moi c’est un avantage d’être en centre-ville. Je ne suis pas prêt d’aller dans une zone d’activité ! Le point névralgique de Quimperlé c’est la basse-ville. Tout passe par là. Ici, je n’ai pas besoin de faire de publicité, il suffit que je mette mes vélos dehors et les gens s’arrêtent. Ils les voient.
Pour ne pas mourir quand on est commerçant en ville, il faut surtout ne pas faire la même chose que les hypermarchés. Il faut faire tout le contraire. Il faut faire ce qu’ils ne font pas. Si on s’attaque à ce qu’ils font c’est plié d’avance. Nous, nous apportons un service, nous vendons des produits de qualité, nous avons un vrai service après-vente,.. les hypers ne savent pas faire ça. Dans mon magasin, je répare tous les vélos, les vieux comme les plus récents. Certains de mes clients font 30 ou 40 kilomètres pour effectuer des réparations.
MAG16 : Vous trouvez les pièces facilement ?
Xavier Nicolas : J’ai un stock de pièces important mais on trouve tout sauf sur le matériel chinois.
MAG16 : Le vélo, notamment grâce au vélo électrique, revient à la mode, le ressentez-vous ?
Xavier Nicolas : Oui, il y a une forte progression. C’est le vélo électrique qui fait rentrer le plus de gens dans le magasin aujourd’hui. Il faut dire que la ville s’y prête aussi de par sa configuration. Il y a des côtes partout alors le vélo électrique apporte un certain confort. Les gens redécouvrent le vélo avec l’électrique.
MAG16 : Comment l’expliquez-vous ?
Xavier Nicolas : Il y a une volonté de repenser ses modes de déplacements. C’est écologique et économique. Le coût à l’achat est important mais ensuite c’est un moyen de transport très économique. J’ai beaucoup de personnes qui prennent des vélos pour aller au travail. C’est un nouveau moyen de déplacements. L’agglomération met également en place un certain nombre d’actions dans son schéma vélo qui favorise cette pratique.
Et puis, le vélo électrique permet de refaire du vélo sans être un grand sportif.
MAG16 : Quel type de personne vous achète des vélos électriques ?
Xavier Nicolas : Il y a des personnes de tous les âges. Au début, il y a 4-5 ans, nous en vendions surtout à des retraités. Mais aujourd’hui, nous touchons les actifs de 30-40 ans. Il y a aussi des jeunes qui préfèrent le vélo électrique au scooter.
MAG16 : Vous n’êtes pas seulement connu pour votre activité professionnelle sur le territoire puisque vous êtes un acteur incontournable de la pêche en Pays de Quimperlé, vous pouvez nous en dire plus ?
Xavier Nicolas : Oui, je suis président de l’Association Agréée pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA) du Pays de Quimperlé. C’est une grosse association qui représente 450 personnes. Nous avons 300 kilomètres de cours d’eau à gérer, à entretenir. Nous devons également lutter contre les pollutions diverses et variées. Nous avons la chance d’avoir des rivières qui sont magnifiques dans le secteur.
MAG16 : Vous couvrez l’ensemble du Pays de Quimperlé ?
Xavier Nicolas : Presque, sauf Scaër et Saint-Thurien, qui ont des AAPPMA. Mais nous travaillons ensemble dans le cadre du Contrat Territorial Milieux aquatiques. Il y a longtemps qu’ion s’est regroupés et qu’on travaille main dans la main. C’est un gros territoire à couvrir ! Il y a toujours quelque chose à faire, c’est sans fin mais c’est très intéressant.
MAG16 : Quand avez-vous attrapé le syndrome de la pêche ?
Xavier Nicolas : J’ai attrapé le virus très jeune en suivant mon grand-père. Et puis comme beaucoup ici j’ai attrapé la saumonite aiguë !
MAG16 : Quels types de poissons trouve-t-on dans nos rivières ?
Xavier Nicolas : On trouve du saumon, de la truite, de l’anguille, de l’alose, de la lamproie qu’on ne pêche pas, des vairons, quelques brochets aussi dans la Laïta, quelques bars aussi qui remontent.
MAG16 : Quimperlé est réputée pour ses rivières à saumon. Comment expliquez-vous que le saumon se plaise ici ?
Xavier Nicolas : Les saumons remontent dans leurs rivières d’origine. Ils ne se trompent pas ! Quand ils arrivent ici, il n’y a pas de panneaux mais ceux de l’Isole retournent dans l’isole, les autres dans l’Ellé. Nous avons beaucoup travaillé, notamment sur L’Ellé, sur la libre circulation des espèces, avec des ouvertures de barrages de pertuis, … C’est important car s’ils butent sur les barrages, ils ne montent pas, ils n’atteignent pas les frayères. Du coup, ils ne se développent pas et l’espèce diminue rapidement.
MAG16 : Il y en a beaucoup ?
Xavier Nicolas : Depuis, 2 ans nous ne sommes pas sur des bonnes années. Les 10 dernières années avaient été plutôt bonnes mais là ça démarre moyennement. L’espèce est en diminution. Pourtant on a le plus gros total autorisé de capture de Bretagne. On peut prendre 120 gros saumons de printemps qu’on pêche de mars à fin mai et 1 000 saumons d’été. Mais, c’est une quantité qu’on trouve trop importante. Les scientifiques nous autorisent à en pêcher 1 000 mais nous ne sommes pas d’accord eux.
MAG16 : Comment expliquez-vous cette raréfaction ?
Xavier Nicolas : Le problème est qu’on ne maîtrise pas ce qui se passe en mer. Globalement, dans nos rivières la qualité s’améliore mais on n’a aucun pouvoir sur la surpêche en mer. L’homme marche sur la tête ! Il surpêche les poissons fourrage pour faire de la farine qui sert à nourrir des poissons d’élevage. On détruit le système en fait ! Nos grands saumons trouvent moins de nourriture donc ils se développent moins en mer et éprouvent plus de difficulté à remonter.
L’incidence du réchauffement climatique joue également sur ces espèces. L’année dernière l’eau était à 20 °C en pleine mer. Ça freine les remontées de poissons. On n’a pas toutes les explications. Il y a des choses qu’on maîtrise au niveau de nos rivières, la libre circulation des poissons, la qualité de l’eau mais ce qui se passe en mer….
Dernièrement nous avons pêché des poissons qui avaient la marque des mailles des filets de pêche. Nous avons réussi à faire interdire la pêche au filet dans l’estuaire de la Laïta mais en mer on voit ce qui se passe avec le bar où les bateaux pêchent sur les frayères. Ils font un massacre et avant peu ce sera la fin. À tirer sur la ficelle comme ça, elle va finir par casser.
MAG16 : Est-ce que la pêche au saumon attire des touristes ?
Xavier Nicolas : Oui, le jour de l’ouverture notamment. Il y a des gens qui viennent de très très loin pour pêcher. On a des gens qui viennent de toute la France. On a même de gens qui, à la retraite, sont venus s’installer ici rien que pour ça. Certains ont des mobile-homes dans les campings et ne viennent que pendant les périodes de pêche.
MAG16 : Vous, en tant que pêcheur, vous préférez la pêche à la cuillère, à la mouche ou au ver ?
Xavier Nicolas : Moi, je pêche à tout ! J’aime bien la cuillère car je les fabrique moi-même, mais j’aime bien la pêche à la mouche aussi … On parle beaucoup de pêcheurs à la mouche comme étant l’élite mais, moi, je pense que toute pêche est noble. Ce sont des techniques de pêche différentes mais chacun est libre de pêcher comme il veut. il faut surtout s’adapter en fonction des niveaux d’eau. Avec des eaux-fortes, on va pêcher au ver ou à la cuillère parce qu’elles sont troubles. Avec la mouche on pêche plutôt dans des eaux plus chaudes et claires.
MAG16 : Quel conseil donneriez-vous à un pêcheur amateur ?
Xavier Nicolas : La patience. Il faut de la patience au bord de l’eau. Il faut être assidu et aimer ça. Parfois on ne prend rien. Le saumon est un migrateur. Aujourd’hui, il n’est pas là mais peut-être que demain il le sera !
MAG16 : Vous pêchez uniquement en rivière ?
Xavier Nicolas : Non, je pêche les deux. J’aime bien la mer aussi. C’est un terrain de jeu plus grand et un espace de liberté plus important, car il y a moins de réglementations que sur les cours d’eau.
MAG16 : Entre le vélo et la protection des milieux naturels, on peut dire que vous êtes un écologiste convaincu, non ?
Xavier Nicolas : Oui. On peut dire ça comme ça ! C’est dans mon état d’esprit. J’essaie aussi de privilégier les circuits courts. Je préfère vendre des vélos français, car ça permet de conserver des emplois en France.
MAG16 : Quel est votre souvenir le plus marquant ?
Xavier Nicolas : Le 12 décembre 2000. La crue nous a amenés 1m20 d’eau dans le magasin. Avant 2000, je voulais acheter un moulin… après 2000, je ne voulais plus. C’est un fait qui restera gravé car ça a été violent ! Le magasin a été détruit. On n’avait plus de vitrine, plus rien. Quand vous rentrez dans le magasin, c’est une scène de guerre. On a rouvert 24 heures après car nous voulions rouvrir tout de suite pour ne pas rester à s’apitoyer sur notre sort.
MAG16 : Quel est votre lieu préféré sur le territoire ?
Xavier Nicolas : Le lieu que j’aime bien à Quimperlé ce sont les Gorrêts. C’est mythique. C’est un haut lieu de la rencontre des pêcheurs de France. C’est l’endroit où on se rencontre pratiquement tous les dimanches. C’est le premier barrage où les saumons arrivent. C’est au cœur de la ville mais on se retrouve tout de suite à la campagne.