Stéphane Thomas

Le cœur de Stéphane Thomas balance entre la montagne et les bateaux ! Ce natif de Pont-l’Abbé a choisi pendant une dizaine d’années de vivre sur les hauteurs des Pyrénées avant de venir s’installer à Quimperlé pour monter son chantier naval : Rider Marine. Il nous raconte son parcours.

MAG16  : Lorsqu’on imagine un chantier naval, on le pense près de l’eau. Pourquoi vous êtes-vous installé à 12 km de la côte ?

Stéphane Thomas  : C’est vrai qu’instinctivement, on imagine plutôt un chantier naval les pieds dans l’eau. Je vous avoue qu’en ce qui concerne la vue, j’aurais préféré ! Mais il faut également tenir compte du foncier. Un bâtiment ici à Quimperlé est beaucoup plus accessible financièrement qu’un bâtiment équivalent en bord de mer. Et puis Quimperlé a l’avantage d’être proche de la voie express, ce qui est beaucoup plus important pour moi que d’être en bord de mer ! J’ai donc privilégié cela.

MAG16  : Qu’est-ce qui vous a amené à construire des bateaux ? Quel est le point de départ de l’histoire ?

Stéphane Thomas  : On va dire que c’est génétique ! Dans ma famille, j’avais un arrière-grand-père dans la Marine Nationale, un grand-père marin de commerce, un oncle marin pêcheur, un autre mécano-pêche et enfin un troisième charpentier de marine. Pour couronner le tout, j’ai grandi à 50 m du chantier Pichavant à Pont-l’Abbé.

MAG16  : Et pourtant vous avez choisi une autre voie plus escarpée, pourquoi  ?

Stéphane Thomas  : Oui, J’ai passé 10 ans dans les Pyrénées en station de ski, ou sur des chantiers de travaux acrobatiques un peu partout en Europe. Mais pendant toutes ces années, j’avais toujours un petit bateau qui me démangeait dans la tête. Quand j’ai décidé de me poser un peu pour construire quelque chose, je me suis demandé ce que je pouvais faire ? J’ai commencé par me mettre à mon compte sur la base de mes formations en travaux acrobatiques (N.D.L.R. : travaux sur cordes en falaise, sur clocher, ou plateformes…).

MAG16  : Qu’est-ce qui vous a ramené au nautisme ?

Stéphane Thomas  : En 2004, une opportunité s’est présentée à moi. Je l’ai saisi et j’ai, ainsi, commencé à travailler en partenariat avec un chantier naval de Perpignan qui fabriquait de petits bateaux et qui cherchait quelqu’un dans le grand Ouest pour répondre au besoin de ses clients dans cette zone. Pendant plusieurs années, j’ai jonglé entre bateaux et travaux acrobatiques.

MAG16  : Aviez-vous une formation en construction navale  ?

Stéphane Thomas  : Aucune, je suis entièrement autodidacte ! J’ai passé beaucoup de temps à étudier seul : des soirées, des week-ends, des vacances que je n’ai pas prises.

MAG16  : Comment êtes-vous passé à votre propre chantier ? 

Stéphane Thomas  : Je me suis lancé un peu sur un coup de tête  ! On va dire que comme j’avais cette idée de construction de bateau constamment en tête, je fatiguais tout mon entourage. Alors, un soir, un collègue m’a dit de me lancer ! C’est ce que j’ai fait et je me suis retrouvé un matin dans l’atelier relais de la Villeneuve Braouic, avec un moule de coque, de la résine, du Gelcoat et du tissu. Le début a été long, un peu compliqué, et je n’ai pas très bien dormi les premiers temps…

© Franck Betermin

MAG16  : Vous aviez déjà l’idée de construire un bateau particulier ?

Stéphane Thomas  : Non, au départ c’était la construction de bateaux en bois qui me plaisait même si j’avais étudié tous les matériaux de construction. Il n’y a que le polyester qui ne m’intéressait pas et pourtant c’est avec lui que je construis mes bateaux aujourd’hui ! Je me suis adapté à la demande et aux contraintes du marché.
Il faut aller là où la clientèle est présente. Je ne fais pas exactement ce que j’ai voulu au départ mais c’est comme ça.

MAG16  : Aujourd’hui vous construisez un catamaran qui connaît un certain succès auprès des pêcheurs. Comment avez-vous eu l’idée de ce bateau ?

Stéphane Thomas  : En 2008-2009, la crise a touché le milieu du nautisme et il n’y avait pratiquement plus aucune demande sur les petits monocoques. Donc, j’avais deux options : soit j’attendais que la crise passe en espérant que ça reparte à un moment donné, soit je faisais prendre un virage à mon entreprise. Depuis un moment, j’avais l’idée d’un petit catamaran en tête. J’en ai donc construit un avec lequel je ciblais les plaisanciers. Je l’ai montré sur plusieurs salons et les retours étaient plutôt bons mais je n’avais pas une seule commande.
Par contre, un pêcheur marseillais a vu mon bateau et m’a contacté en me disant qu’il le trouvait pas mal mais qu’il en cherchait un plus gros pour la pêche professionnelle. Il m’a demandé si je pouvais lui en faire un. J’ai dit OK. On s’est entendu sur cahier des charges et j’ai construit son bateau. Le mois suivant la livraison de ce premier catamaran, j’avais deux autres pêcheurs du même port qui voulaient le même. Et là on est au sixième. Tous partent dans le Sud. Là j’en ai un qui part à Belle-île. On se rapproche !

MAG16  : Quel est l’avantage de ce type de bateau pour la pêche ?

Stéphane Thomas  : Le catamaran offre une meilleure stabilité, une plus grande surface de plancher donc plus de place pour travailler. Il offre également plus de sécurité car nous avons l’obligation d’avoir deux moteurs sur un catamaran ce qui permet, en cas de panne sur l’un des moteurs, de rentrer au port. Enfin, le dernier avantage est que les bateaux sont rapides. Ils peuvent atteindre les 40 nœuds en fonction de la motorisation, ce qui n’est pas mal pour des bateaux de pêche !

MAG16 : Quel est L’intérêt de la vitesse pour un bateau de pêche ?

Stéphane Thomas  : C’est d’aller plus vite sur la zone de pêche mais aussi d’aller plus loin ou même de changer de zones plus facilement. Si vous avez un bateau qui se traîne, lorsque vous partez de Concarneau le matin, vous devez choisir entre les Glénans ou Groix. Vous savez que vous ne pouvez pas faire les deux dans la journée. Alors que si vous avez un bateau qui va à 20 nœuds, vous êtes aux Glénans en une demi-heure. Si la pêche n’est pas bonne, vous pouvez mettre un coup de gaz et une demi-heure plus tard vous êtes à Groix. Un grain arrive, un coup de gaz et vous rentrez. Les pêcheurs qui achètent mes bateaux sont assez polyvalents. Sur le bateau ils ont la place pour avoir plusieurs types d’outillage, ce qui leur permet de changer de type de pêche si besoin. S’il n’y a pas de sole par exemple, ils peuvent se rabattre sur le rouget. Avant, il devait choisir les filets le matin avant de partir en mer.

MAG16  : Vous avez également créé un catamaran pour une personne handicapée. Comment est né ce projet  ?

Stéphane Thomas  : En 2012, j’ai eu l’occasion de faire naviguer une personne handicapée sur mon premier catamaran. Cette personne en connaissait une autre, tétraplégique, et qui voulait se faire construire un bateau. J’ai accepté de relever le défi. C’était une construction assez compliquée car tout l’agencement a été fait sur mesure. Nous avons réussi à faire en sorte que le bateau ressemble à celui de tout le monde et qu’il n’ait pas l’air d’un bateau médicalisé. Je sais que nous avons fait un heureux ! Au quotidien, il est un peu coincé dans son fauteuil électrique, nous lui avons permis de se libérer un peu. Il avait deux rêves naviguer à 40 nœuds et aller aux Glénans. Il a fait les deux le même jour et en pilotant son bateau ! Quand il revient nous voir de temps en temps et qu’il nous raconte ses sorties en mer, il a presque la larme à l’œil donc c’est assez gratifiant. Nous sommes contents d’avoir réalisé ce projet.

MAG16  : Vous avez d’autres projets dans les tiroirs ?

Stéphane Thomas  : Nous avons un 28 pieds en projet. Toujours pour la pêche mais version outre-mer car on a des demandes sur Mayotte par exemple. Là-bas les pêcheurs ne veulent pas de cabine fermée car il fait déjà assez chaud. Il y a également un 34 pieds qui est en projet pour le transport de passagers en navette rapide et une version avec cabine habitable pour notre client tétraplégique qui maintenant veut un bateau plus gros.

MAG16  : Combien êtes-vous sur le chantier aujourd’hui ?

Stéphane Thomas  : Nous sommes deux. En début d’année nous étions quatre car nous avions un renfort temporaire pour faire face à l’afflux de commandes. Aujourd’hui, nous revenons à un rythme plus normal qui nous permet de travailler un peu plus sereinement car lorsque l’équipe gonfle un peu nous sommes vite à l’étroit.

© Franck Betermin

MAG16  : Vous construisez des snowboards ?

Stéphane Thomas  : Je serai incapable de dire si je préfère la montagne ou les bateaux. Quand j’étais à la montagne, j’avais les bateaux en tête et maintenant que je construis des bateaux je trouve que la montagne est peu loin. Dès que j’ai commencé le composite, je me suis dit qu’un jour je ferai mes snowboards moi-même. J’ai commencé à réfléchir, à fabriquer mes moules, à rechercher des fournitures. Il y a deux ans, J’ai fait une petite série de 5 planches que je suis allé tester un week-end dans les Pyrénées avec mes anciens collègues pisteurs, moniteurs ou freerider chevronnés. Au final, j’ai eu du mal à les récupérer car ils voulaient tous les garder. Depuis, je me dis que dès que j’aurai un peu de temps, il faudra que je m’organise pour fabriquer une petite série et éventuellement en faire une activité annexe. Pour moi c’est l’occasion de me changer un peu les idées. Mon objectif est de produire des planches cet été pour pouvoir être prêt pour l’hiver prochain.

MAG16  : quel est votre souvenir le plus marquant ?

Stéphane Thomas  : Le moment qui m’a marqué, c’est le jour où mon client tétraplégique m’a appelé pour me raconter un week-end en mer où sur trois jours il avait fait 2 fois 8 heures de mer ! Il avait sorti son premier Bar tout seul, il avait vu des dauphins tout ça dans le même week-end. On sentait dans sa voix l’émotion. Le fait d’avoir ce genre de retour fait oublier toutes les galères que nous avons pu avoir. J’ai eu l’impression que nous lui avons apporté beaucoup plus qu’à un pêcheur à qui nous fabriquons un outil de travail ou à un plaisancier qui s’offre une danseuse. Nous lui avons redonné un peu de liberté.

MAG16  : Quel est votre lieu préféré dans le pays de Quimperlé  ?

Stéphane Thomas  : C’est difficile de choisir car il y a beaucoup d’endroits magnifiques ici. Il y a des territoires qui ont beaucoup moins de sites remarquables. Mais s’il faut en choisir un je dirais la forêt de Toulfouën car j’y passe beaucoup de temps à pied ou à vélo avec mon chien.

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