Nicolas Gestin

De champion de France cadet en 2015 aux titres de champions d’Europe et du monde chez les moins de 23 ans, en 2019 et 2021, le canoéiste de slalom de Tréméven, Nicolas Gestin, affiche à seulement 21 ans, un palmarès impressionnant. Jeune prodige du Canoë-Kayak Club de Quimperlé, il rivalise rapidement avec les meilleurs en slalom. Désormais dans la cour des grands, s’il manque de peu le podium des Mondiaux en finissant à la 4ème place en individuel, il décroche aux côtés de Denis Gargaud et Martin Thomas, le titre de champion du monde slalom seniors par équipe à Bratislava, en septembre dernier. Une performance qui remonte à 2007, sous l’ère d’un certain Tony Estanguet, d’un champion à un autre…

Mag16 : Comment est née cette passion pour le canoë-kayak ?
Nicolas Gestin : C’est grâce à ma nourrice, la famille Fouillé. Leurs trois enfants faisaient déjà du kayak au club de Quimperlé. Il arrivait que le mercredi, ils m’emmènent avec eux. J’étais complètement mordu. Je n’avais que quatre, voire cinq ans, et je pouvais rester des heures dans un kayak qu’ils avaient rangé dans leur garage. Et donc, dès que j’ai eu sept ans, j’ai voulu m’inscrire au CKCQ (Canoë Kayak Club de Quimperlé), chez les poussins. Même si j’ai été très vite un compétiteur dans l’âme, il y avait cette liberté sur l’eau qui me plaisait énormément, que ce soit sur l’Isole, l’Ellé ou la Laïta.

Mag16 : Quand vous rejoignez le CKCQ, l’encadrement détecte rapidement des aptitudes en vous ?
Nicolas Gestin : Je n’avais pas de qualités physiques exceptionnelles, mais je pense que ce qui me différencie des autres, c’est sûrement ce capital plaisir que j’ai sur l’eau. C’est toujours le plaisir qui me guide et qui a construit le projet sportif. J’ai le souvenir de mes parents qui m’attendaient sur le parking près de la Base de la Mothe parce que j’étais toujours le dernier à quitter l’eau. Par contre, le fait d’avoir passé énormément de temps sur l’eau, dès le plus jeune âge et sur de nombreux autres sites de navigation, m’a permis d’acquérir cette capacité de lecture de l’eau vive, de développer ce sens de l’eau. J’ai eu la chance d’avoir des aides du Comité départemental qui organisait des stages tous les étés, pour les jeunes. J’ai beaucoup appris en faisant des descentes de rivière dans les Alpes et les Pyrénées.

Mag16 :Vous aviez des modèles, Tony Estanguet ou d’autres kayakistes ou céistes ?
Nicolas Gestin : Tony Estanguet est devenu champion olympique en 2000, quand je suis né, puis en 2004 et 2012. Quand j’ai commencé en 2007, un breton, Sébastien Combot, était sacré champion du monde au Brésil. C’était à l’époque mon modèle. Je l’ai même côtoyé, par la suite. Je me passionnais pour tous ces grands champions, d’autant que la France était alors très dominatrice dans la discipline.
Mais j’ai eu aussi des modèles au sein même du club de Quimperlé. Il y avait des « grands » qui faisaient des compétitions au niveau national comme François Hémidy, Julien Darcillon, Gireg Hamoniaux, ou encore Maxime Perron qui a été champion d’Europe des moins de 23 ans en 2014. Ils m’ont beaucoup apporté, et encore aujourd’hui, ce sont des piliers pour moi.

Mag16 : Vous semblez très attaché à votre club d’origine, le CKCQ, où vous êtes encore licencié…
Nicolas Gestin : Oui, c’est comme une famille. Je ne serais pas là où je suis, sans mon club. Au-delà du domaine sportif, on se côtoie régulièrement. J’ai eu la chance d’avoir aussi les bons encadrants à Quimperlé. Pascal (Marrec) et Vincent (Salmon) me connaissent et me suivent depuis que je suis entré au club, tout petit. Ils ont toujours été bienveillants.

Mag16 : Votre goût pour la compétition se concrétise rapidement par plusieurs titres…
Nicolas Gestin : J’ai démarré très tôt la compétition grâce au championnat jeunes « Yaouank* » mis en place par le Comité Régional Bretagne Canoë Kayak qui nous permettait de pratiquer toutes les disciplines, le slalom, la descente de rivière, la course en mer, en ligne en eau calme… C’était un circuit très complet que tous les jeunes rêvaient de gagner, au moins une fois. J’étais assez compétitif dans toutes ces disciplines, avec l’avantage de pouvoir naviguer à domicile dans des eaux vives et aussi en mer. Mais c’est en slalom que je m’épanouissais le plus. Je me suis spécialisé en cadet et j’ai remporté la même année, en 2015, le titre de champion de France. C’est un super souvenir parce que j’avais construit le titre, ici, à Quimperlé, avec le stand labellisé d’entraînement et la dynamique du club… Ce titre clôt un chapitre, puisqu’à sa suite, je pars au lycée au Pôle France et Espoirs de canoë-kayak de Cesson-Sévigné.

*jeunes en breton

Mag16 : C’est la découverte du haut niveau, à cet instant ?
Nicolas Gestin
 : En effet, en Pôle Espoirs, le rythme des entraînements s’intensifie, le matin, le midi et le soir, avant, entre et après les cours. Cela devient encore plus dense, avec un entraîneur attitré, un groupe encore plus performant. Et je progresse très vite, avec un 2ème titre de champion de France cadet. Alors que je suis encore dans cette catégorie, je décroche ma première sélection en équipe de France junior. Derrière, je finis 5ème aux championnats du monde. Et après cela, je me blesse en me luxant l’épaule sur une sortie en mer, à Guidel. Et là, c’est neuf mois d’arrêt, une opération… J’étais dans une dynamique de fou, et là tout s’arrête. Je découvre alors ce qu’est le haut niveau et mes propres limites.

Mag16 : Un apprentissage dans la douleur…
Nicolas Gestin : Oui… La blessure fait partie du haut niveau. J’avais l’habitude de vouloir toujours aller très vite, d’être à fond, de repousser mes limites sans tenir compte des douleurs physiques. Et là je comprends que si je veux reprendre le canoë, je dois mûrir et accepter cette étape pour prendre le temps de me soigner, et pouvoir construire sur le long terme. Cette coupure a été pour moi, une des années les plus riches en termes d’apprentissage, sur le plan humain, à travers des rencontres en centre de rééducation, mais aussi sur le plan personnel, en apprenant à mieux gérer une préparation physique. Je me suis alors fixé un nouveau cap à deux ans : revenir en équipe de France junior et gagner de nouvelles médailles.

Mag16 : Et de belles manières puisque vous reprenez la compétition en 2018, en étant vice-champion d’Europe et 3ème aux championnats du monde junior…
Nicolas Gestin : C’est vrai, mais c’est aussi l’année où je fais mes premières courses internationales avec les meilleurs du circuit en finales de coupe du monde. Et là je cours contre des athlètes qui sont médaillés olympiques et mondiaux, notamment le grand rival de Tony Estanguet, le double champion olympique slovaque, Michal Martikan. Ce retour à la compétition se concrétise également l’année suivante, en 2019, par les titres de champions d’Europe et du Monde de slalom chez les moins de 23 ans. Un titre mondial que je reprends également en 2021.

Mag16 : Une année riche en émotions puisque vous remportez aussi les championnats du monde seniors en slalom par équipe, et une 4ème place en individuel…
Nicolas Gestin : Je reste assez frustré du résultat en individuel. Mais je suis plutôt satisfait de ce que j’ai proposé sur l’eau, pour ma première année en équipe de France avec les seniors, notamment avec ce titre par équipe qu’on est allé chercher sur les terres même des champions en titre, les Slovaques.
Le parcours proposé pour ces Mondiaux était très technique. Je n’ai jamais eu un parcours aussi difficile sur un bassin. En finale, la navigation que je propose, me permet d’aller chercher une médaille, notamment en étant le plus rapide sur l’épreuve, mais deux pénalités sur les portes me privent du podium en individuel. C’est un sport qui se joue dans les détails. Je sais que je dois continuer à me donner à 110 %, pour aller décrocher de futures médailles et des titres au plus haut niveau.

Mag16 : Derrière le champion, il y a aussi l’entraîneur…
Nicolas Gestin : J’ai beaucoup appris avec mes premiers entraîneurs au CKCQ. Vincent m’a inculqué par exemple cette manière d’être acteur de sa propre démarche, d’apprendre par soi-même grâce à l’expérimentation. Dans le prolongement, Pascal m’a fait connaître le niveau national dans les compétitions. Et puis en arrivant au Pôle Espoirs, j’ai eu la chance d’être encadré par Jean-Yves Prigent, un grand acteur du canoë-kayak en Bretagne et ancien entraîneur en équipe de France. Toujours au Pôle, j’ai été suivi par l’entraîneur, Anne Boixel, qui m’a professionnalisé un peu plus, et amené vers le très haut niveau. Et c’est depuis peu, Arnaud Brognard, un céiste de l’Est de la France (je n’ai plus de bretons dans mon encadrement (rires)), qui assure mes entraînements.

Mag16 : La famille, les amis sont un soutien important ?
Nicolas Gestin : Oui, j’ai toujours l’impression d’être chanceux quand je vois tout le soutien que je reçois. De mon frère qui est kayakiste en nationale 1 au CKCQ, de mes parents qui m’ont toujours encouragé et suivi dans mon projet sportif, à condition de poursuivre mes études. J’ai obtenu une Licence de géographie et je suis actuellement en Master 1 en urbanisme et aménagement à l’École d’Urbanisme de Paris.
Et puis bien sûr, il y a les amis du club et même les copains d’école et du collège qui sont là pour me soutenir. Il y a un nombre important de personnes qui gravitent autour de ce projet, et ça me touche que cela soit aussi le leur quelque part, et de les faire rêver…

Mag16 : Les JO 2024 à Paris, c’est un objectif, un rêve ?
Nicolas Gestin : C’était déjà un objectif pour Tokyo. Mais maintenant que je fais partie de l’équipe de France, des trois meilleures navigations… plus l’échéance approche et plus je ne pense qu’à ça. Les JO à la « maison », c’est forcément spécial et on sait qu’un seul pagayeur sera retenu pour représenter la France. Paris 2024 va tous nous tirer vers le haut, et ça va commencer dès demain.

Mag16 : Né à Tréméven, vous restez très attaché au territoire. Quel est votre lieu préféré ?
Nicolas Gestin : J’ai grandi ici, et très chauvin comme je suis, j’ai besoin d’y passer du temps, de revenir régulièrement en pays de Quimperlé. J’ai cette attache particulière au bassin naturel des Roches du Diable. C’est un site exceptionnel pour la pratique de mon sport, d’abord parce qu’il est naturel. Il me challenge tout le temps. Le niveau d’eau n’est jamais le même, les vagues non plus, notamment en période de crues. C’est ma petite cure d’eau naturelle. J’adorerais pouvoir organiser une course internationale en hiver aux Roches du Diable. Mais les aléas de la nature ne peuvent pas être maîtrisés, et c’est ce qui fait son charme…

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