« Mes parents avaient un magasin de bois et tissu à Locunolé, mais à côté de cela, on faisait beaucoup de photos en costume traditionnel breton. » se souvient Mado Le Gall qui n’a que 4 ans à l’époque, déjà impressionnée par le pouvoir de l’image.
Le déclic pour la pellicule animée viendra à l’école avec un cursus pédagogique sur le 7ème art et ses grands cinéastes, de la seconde à la terminale. Et notamment le visionnage d’un film culte « Le Cuirassé Potemkine » de Sergueï Eisenstein, et « cette scène incroyable du landau qui descend l’escalier vers l’Odessa. » se remémore Mado.
Après des études de lettres modernes à Brest, à la fin des années 70, elle décide de suivre des stages avec l’Atelier de Création Audiovisuelle de Saint-Cadou (ACAV). « On nous poussait à acheter des caméras super 8 et à filmer des scènes de la vie courante. » À Brest où elle vivait à l’époque, elle commence par filmer le marché Saint-Martin. « Ce qui m’intéresse dans l’acte de filmer, c’est l’observation. » Filmer des scènes de vie qui peuvent aussi basculer en un instant et tourner au drame… Le 16 mars 1978 à 22 heures, le pétrolier Amoco Cadiz vient s’échouer au large de Portsall, libérant 223 000 tonnes de pétrole brut, soit l’une des pires marées noires de l’histoire. « On sent tout de suite l’odeur qui vient jusqu’à Brest, à 30 km de distance. » se souvient Mado qui prend aussitôt sa caméra pour se rendre sur les lieux, et capturer des images du désastre sur la plage, la réaction de jeunes femmes témoins de l’événement, des soldats présents pour sécuriser les lieux…
Chargée de mission audiovisuelle pour la Ville de Brest de 1990 à 1994, elle y réalise de nombreux films, des tranches d’histoire locale racontée et vécue par les habitants. « C’est là que je me suis professionnalisée. ». Et c’est là que la cinéaste s’est révélée…
La réalité plus que la fiction
Discrète et engagée, sa personnalité tout en contraste est difficile à cerner. C’est peut-être au final à travers ses films qu’on peut le mieux comprendre, Mado Le Gall. Militante, pour ses films sur la Révolution tunisienne ou sur la guerre en Bosnie pour lequel « un journaliste m’a dit que j’avais réussi à traduire sans grands moyens, la réalité des gens eux-mêmes dépourvus de moyens. » confie-t-elle sur sa manière de filmer, tout en pudeur. Et de dévoiler un autre aspect de son approche cinématographique, « je n’ai pas fait que des films militants ou de guerre. » recadre-t-elle. Il y a aussi des films « plus poétiques comme celui sur « Jean Epstein, Termaji », où j’ai voulu montrer sa conception du cinéma qui tient dans cette phrase : les objectifs voient où nous sommes aveugles. »
De ses films profonds et vrais, elle citera également « Nous survivrons ! » qui raconte les rencontres avec la population de Gorazde et l’association Bretagne-Gorazde-Solidarité, ou encore « Moshé Zalcman, un mentsh ! », l’histoire d’un ouvrier juif et communiste au temps de Staline. Mais il y en aurait tant d’autres…
De Brest à Mostar en passant par Gorazde, Sarajevo ou Tunis… au total, ce ne sont pas moins de 265 sujets qui ont été déposés et sont visionnables sur le site de la Cinémathèque de Bretagne, au nom de Mado Le Gall. Dans ses futures « bobines », un nouveau projet de film en Bosnie où la cinéaste souhaite tout simplement « donner la parole à des personnes qui, dans le passé, ont peut-être été victimes. » Toujours cette quête d’une vérité qui demande à être vue et entendue…