Katell Ropert

La quimperloise Katell Ropert est championne d’Europe et vice-championne du monde de parasurf. Une discipline qu’elle a découverte en 2018 après un accident qui lui a coûté l’usage de ses jambes et d’une partie des membres supérieurs. Présentation de cette sportive de haut niveau dont le parcours est fait d’enthousiasme, de positive attitude et de force de caractère.

MAG16 : En 2017, votre vie prend un tournant. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous est arrivé  ?

Katell Ropert  : Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais en novembre 2017, un accident me conduit à subir une intervention au niveau des cervicales. Et à partir de cette opération, je me suis retrouvée handicapée au niveau des 4 membres. Le résultat, c’est que je suis en fauteuil avec des difficultés de préhension au niveau des mains. Et puis, tout ce dont on ne parle pas et qui ne fonctionne pas à l’intérieur. Les gens ne se rendent pas compte qu’on est très impacté au niveau de la vie quotidienne, mais pas seulement au niveau de la mobilité. Le temps de préparation par exemple. Pour me laver et m’habiller, je mets une heure et demie. Lorsque je dois emmener les enfants à l’école, il faut que je me lève très tôt du coup. Pour les déplacements aussi j’ai besoin de quelqu’un en permanence. Et comme je voyage beaucoup, j’ai besoin qu’on m’aide au départ et à l’arrivée, car toute seule, je ne pourrai pas faire grand-chose !

MAG16 : Que faisiez-vous avant cet accident ?

Katell Ropert  : J’ai travaillé pendant 12 ans à Kerpape comme infirmière. Puis j’ai quitté mon emploi pour suivre mon conjoint en Polynésie. Là-bas, j’ai fondé une association, Adepa Polynésie, qui a pour objectifs d’aider, d’informer et de défendre les droits des personnes amputées de Polynésie. Grâce à cette association nous avons permis de changer les modes de remboursement des grands appareillages au niveau de la Sécurité sociale.
Lorsque je suis revenue en métropole, j’ai passé un diplôme universitaire en addictologie à la Faculté de médecine de Rennes. Je suis tombée enceinte de mon 5e enfant, ce qui n’était pas prévu. J’ai cofondé la première école démocratique de Bretagne : Le carré libre à Quimper où j’ai travaillé bénévolement. Ensuite mon ex-conjoint a fait une formation en agroécologie avec l’association Terre et Humanisme et j’ai fait une formation en permaculture pendant un an. Nous sommes partis vivre à Scaër dans une yourte sur un terrain de 3 hectares et nous avons monté un centre de formation en agroécologie – permaculture. Et puis il y a eu l’accident.

MAG16  : Et là tout s’arrête ?

Katell Ropert  : On a l’impression qu’il y a un mur devant nous. Je me suis posée plein de questions. Ça a été un arrêt sur image. Je me suis interrogée sur ce que j’avais fait dans la vie, sur ce que je voulais encore faire et sur ce que je pouvais encore faire. Au final, plutôt que de lister ce que je ne pouvais plus faire, j’ai préféré voir que je pouvais faire encore plein de choses.

MAG16  : Est-ce que votre parcours avant, à Kerpape notamment, vous a permis de mieux accepter le handicap  ?

Katell Ropert  : Accepter, je ne sais pas si c’est le bon mot mais il se trouve que, dans mes 5 enfants, nous en avons adopté deux qui sont porteurs de handicap. Je pense que j’ai un curseur qui, au départ, n’est pas le même que celui de quelqu’un qui n’a jamais connu le handicap. Donc moi j’avais déjà tout un réseau. Et je pense que c’est beaucoup plus facile de surmonter tout ça lorsqu’on a déjà un réseau. À partir du moment où je me suis retrouvée en situation de handicap, je me suis dit « OK, je ne peux plus monter à cheval, je ne peux plus faire du vélo », alors qu’avant je ne circulais qu’à vélo. J’étais vraiment dans une logique de décroissance.
À ce moment-là, je me suis rapprochée d’une association Vagdespoir, que je connaissais depuis longtemps via mes enfants. J’ai deux enfants handicapés mais qui sont très sportifs, dont l’un est médaillé aux championnats de France d’athlétisme ( 2e – 200 m championnat de France Indoor). L’association Vagdespoir est une association qui fait surfer les personnes handicapées depuis 16 ans maintenant. Il y a une très grosse antenne basée à Guidel. Là-bas, J’ai découvert le Blockart, une forme de char à voile accessible aux personnes handicapées. Ça m’a fait énormément de bien !

MAG16  : C’est aussi avec cette association que vous découvrez le parasurf, non ?

Katell Ropert  : Oui, un mois plus tard, ils organisaient une journée handisurf. J’y suis allée et là je me retrouve dans l’eau poussée par François Gabart qui était parrain de l’événement, un truc de ouf ! Je me suis éclatée. Ça m’a tellement plu qu’ en rentrant chez moi je me suis dit qu’il fallait que je recommence. La semaine suivante, je suis allée m’incrire à la West Surf Association de Guidel qui propose un cours de surf handisport par semaine. C’est là qu’on m’a proposé de participer à une session de détection en parasurf à Hossegor. J’étais complètement novice mais j’ai fait 1400 km en une journée pour aller surfer là-bas. J’ai trouvé ça génial, j’ai rencontré des gens beaucoup plus expérimentés que moi et qui étaient membres de l’équipe de France. Nous étions en juin, alors que j’avais commencé le surf le 12 mai. En juillet, je suis partie à Biscarosse avec un groupe. En août, je me dis il fallait que je me fasse shaper une planche. Je l’ai récupérée, 2 jours avant de partir aux championnats de France.

MAG16  : Et aux championnats de france, vous vous révélez ?

Katell Ropert  : Quand j’arrive là-bas, personne ne me connaît. Les organisateurs nous proposaient de surfer sur un spot différent des surfeurs valides. Or, en regardant la mer, je me suis aperçue qu’il n’y avait que 30 cm de vagues sur cette plage ! J’ai fait une réclamation officielle à l’organisation en expliquant que je n’étais pas venue pour faire des ronds dans l’eau et qu’avec aussi peu de vague, je ne pouvais pas surfer correctement. J’ai expliqué qu’il n’y avait pas plus de danger pour quelqu’un qui surfe allongé que pour quelqu’un qui surfe debout ! Le lendemain ma réclamation avait abouti et nous avons surfé sur le même spot que les valides. Et là, c’était super, j’ai surfé des vagues que nous n’avons pas ici. En Bretagne nous surfons sur beaucoup plus petit mais beaucoup plus technique. Là-bas, il y a des super vagues qui déroulent, c’est simple en fait. Du coup, je fais deux super vagues et j’ai obtenu les meilleurs scores des championnats de France, handi et valides confondus. Je me suis vraiment éclatée.

MAG16  : Cette victoire n’était qu’un début puisque vous avez enchaîné, racontez-nous.

Katell Ropert  : Oui, trois semaines plus tard, le sélectionneur national m’a appelé pour me demander si j’étais disponible du 12 au 26 décembre car j’étais sélectionnée en équipe de France pour participer aux championnats du monde en Californie. Je lui ai répondu que ça allait être un peu compliqué financièrement pour moi d’aller en Californie mais il m‘a rassurée en m’indiquant que la Fédération prenait tout en charge. Nous sommes donc partis pour 10 jours aux USA dont 3 jours d’entraînement intensifs. C’était assez épuisant pour moi mais aussi pour eux car j’ai besoin de beaucoup d’intendances. Il faut me mettre la combinaison, me pousser sur la plage, faire le transfert sur la planche, au retour c’est pareil, …
Sur le plan sportif, j’étais engagée dans deux catégories. La première était mixte et la seconde uniquement féminine. Pour la première, avec mon binôme, nous avons été éliminés au premier tour. Nous nous sommes fait avoir sur de la stratégie puisqu’un concurrent nous a fait croire qu’il prenait une super vague alors qu’il était prioritaire, pour nous empêcher de la prendre … Dans la seconde catégorie, je suis allée jusqu’en finale et j’ai terminé deuxième ! Donc c’était super. Avec mon binôme, il y a vraiment un super feeling.

MAG16  : Justement quel est le rôle du binôme ? Quelle relation entretenez-vous ?

Katell Ropert  : Le binôme est là pour palier le fait que je ne puisse pas ramer. Il va remplacer mes bras. Je ne peux pas passer la barre de vagues seule. Donc c’est lui qui me la fait passer. Ensuite nous observons les vagues et, si nous avons le temps, nous choisissons ensemble la vague sur laquelle je vais partir. Si le temps est très court pour saisir une vague, je lui fais confiance.
Il doit savoir sur quoi je suis en capacité de surfer. On parle tout le temps pendant les 25 minutes de session.

MAG16  : Vous avez toujours le même binôme ?

Katell Ropert  : Non, en compétition fédérale, on ne se choisit pas. Je pars avec quelqu’un de la fédération que je ne connais pas. Donc ça passe ou ça ne passe pas. En général, c’est le coach de l’équipe qui est mon binôme quand je passe. Par contre, il existe un circuit de compétitions privées en parallèle, et là c’est différent on part avec qui on veut.

MAG16  : Pour ce type de compétition, il n’y a pas de financement ?

Katell Ropert  : Non, donc je suis en train de monter un dossier pour trouver des financements. Ma difficulté est que je paye tout en double car j’ai un binôme. J’ai besoin de quelqu’un qui est mon binôme et qui me donne un coup de main pour les transferts, m’habiller, … Donc ça coûte un peu cher, sauf si je me déplace avec un autre compétiteur handisport.

MAG16  : Et c’est possible ?

Katell Ropert  : Oui. récemment, Je suis partie 10 jours en surf trip avec trois autres très bons surfeurs handi. Et nous avons compensé nos handicaps respectifs avec un véhicule non adapté, un logement non adapté,… Mon binôme sur cette compétition était amputé d’un bras et c’est lui qui me poussait. Nous étions le seul binôme avec deux handicapés. En plus, nous avons participé à une compétition où j’étais la seule femme. Du coup, j’ai demandé de pouvoir surfer avec les hommes. C’était compliqué mais j’ai gagné la compétition ! Il y a d’ailleurs des hommes qui ont porté réclamations car je ne devais pas être dans leur catégorie. C’est pitoyable !

MAG16  : En peu de temps vous avez déjà presque tout gagné, que vous reste-t-il, les Jeux paralympiques en 2024 ?

Katell Ropert  : Déjà, il devrait y avoir des championnats du monde en 2020. Ensuite, pour les Jeux paralympiques, la question est de savoir s’il y aura du parasurf. Je ne sais pas. Et puis, le site de surf retenu pour les JO est Theahupoo à Tahiti. Un site sur lequel aucun parasurfeur ne peut surfer, même les meilleurs d’entre-nous. C’est impossible. Et je connais bien le lieu puisque j’ai vécu à Tahiti. Bien sûr, il existe d’autres spots mais c’est dans 4 ans et je ne suis pas toute jeune. Ce serait juste incroyable ! ce serait l’expérience d’une vie ! Mais, il se trouve que j’ai la chance d’avoir vécu plusieurs fois l’expérience d’une vie. Je me dis que j’ai beaucoup de chance, j’ai participé à plein de choses, alors pourquoi pas ? Mais il y a plein d’incertitudes.

MAG16  : En parallèle du surf, vous avez repris vos études ?

Katell Ropert  : J’ai passé un diplôme de troisième cycle qui s’appelle PESH, pour « Personne Experte en Situation de Handicap ». Un diplôme qui va me permettre d’intervenir en tant que patient expert. Ce qui m’intéresse c’est la pairémulation (NDLR : La pairémulation est la transmission de l’expérience par les personnes handicapées autonomes pour les personnes handicapées en recherche de plus d’autonomie). C’est déjà ce que je fais avec le surf.

MAG16  : Quel est le lieu que vous préférez sur le territoire  ?

Katell Ropert  : Il y a un lieu où je vais depuis que les enfants sont tout-petits et où ils aiment toujours autant aller : c’est le manoir de Kernault. J’y allais quand j’étais valide et j’y vais encore aujourd’hui car c’est accessible.

 

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