Rien ne destinait Isabelle Chochod à la restauration d’art de peintures. Issue d’une famille d’artistes musiciens, elle envisage d’abord une carrière de violoniste, sans certitude. Mais un article de presse découvert par sa mère sur l’Institut National du Patrimoine lui ouvre soudain un chemin insoupçonné, celui de restauratrice de tableaux. Patience, minutie, sensibilité, brosse le reportage à propos de ce métier. Des qualités dans lesquelles elle se reconnaît. La jeune femme passe le concours de l’INP et en sort cinq ans plus tard avec un master. Un cursus qu’elle décrit comme « unparcours exigeant mais profondément formateur » où la transmission de professeur à élève, en guise d’adoubement, valide non seulement l’expérience mais constitue le socle de valeurs. « Tout ce que je sais, je le dois à mes professeurs. Il est normal de rendre cette connaissance. » rappelle-t-elle aujourd’hui, après plus de trente-six ans de carrière.
RESTAURER, C’EST SOIGNER, PAS EMBELLIR
« Le restaurateur n’est pas un artiste, c’est un soignant de l’œuvre », insiste Isabelle Chochod. À rebours de la création, la restauration suppose un effacement de soi au profit de l’œuvre : pas de retouches créatives, pas de réinterprétation, seulement l’objectif de ralentir l’altération du temps tout en préservant l’intention d’origine de l’artiste. « Comme un médecin, on établit un diagnostic, puis on traite sans jamais trahir. » Un parallèle qu’elle revendique avec la médecine, jusqu’au vocabulaire : tension, pathologies, protocole de soin.
Son approche est méthodique : analyse des matériaux, étude des altérations et interventions précisément calibrées. Sollicitée par de nombreux musées, de Pont-Aven à Quimper en passant par Le Louvre, sur des peintures allant du Moyen-Âge au XIXe siècle, elle confie même parfois une forme de présence de l’artiste dans l’œuvre, « comme une trace humaine à laquelle on rend hommage. »
NOTRE-DAME DE PARIS, LA JOCONDE…
De ces moments forts qui marquent une carrière, Isabelle Chochod évoque le chantier de restauration de 22 grands tableaux de Notre-Dame, sauvés des flammes. « Une aventure humaine et professionnelle exceptionnelle », où elle rejoint une équipe de 21 restaurateurs. De cette expérience naît un lien durable entre eux, un groupe qu’elle baptise affectueusement « les cloches de Notre-Dame », aujourd’hui encore à l’unisson sur d’autres projets communs. Lui vient aussi à l’esprit la restauration participative d’une fresque dans une chapelle construite en lieu et place d’une école bombardée durant la Seconde Guerre mondiale, à Morlaix. « Une quarantaine d’enfants d’à peine 6 ans ont été tués à cet emplacement. » raconte-t-elle encore émue par la charge émotionnelle du projet. Des émotions, de tragiques à magiques… Privilège d’une carrière accomplie, notre restauratrice décroche un rendez-vous en 2020, en plein confinement, avec un chef d’œuvre : La Joconde. Tous les ans, la « Belle » profite en effet d’une petite cure, « un constat d’état » dans le jargon professionnel. Désignée, Isabelle Chochod s’offre « deux heures en tête-à-tête avec ce petit panneau de bois si célèbre. »
S’il lui restait un rêve à accomplir ? « Ce serait de travailler un jour sur une œuvre de Rembrandt », son peintre de cœur. En attendant, elle poursuit ses projets avec une passion intacte, notamment une restauration à venir au Louvre dans la galerie des Rubens – un défi de taille, à la mesure de son engagement.