Gildas Salvar

Gildas Salvar est un chef d’entreprise hyperactif au caractère bien trempé, qui n’a pu se résoudre à voir disparaître la crêperie industrielle qu’il avait créée de ses propres mains en 1979 : La Trémévénoise. Onze ans après son départ à la retraite, il a repris l’entreprise à la demande de ses salariés. Rencontre.

MAG16  : Vous avez créé votre entreprise en 1979, pouvez-vous nous raconter le début de l’histoire ?

Gildas Salvar  : Oui j’ai démarré en 1979 dans mon garage ! À la base, je travaillais comme mécanicien dans une entreprise qui montait des cuves à lait à Rédéné. Jusqu’au jour où, suite à un plan de licenciement, j’ai perdu mon emploi. J’avais construit ma maison, j’avais deux gamins. Je n’avais pas le choix, il fallait que je fasse quelque chose ! À l’époque, nous n’allions pas pointer au chômage ! Ma femme travaillait dans une petite crêperie à côté, alors je me suis mis à vendre des crêpes. Ma femme les fabriquait et moi j’allais les vendre dans les boulangeries et les petites boutiques du territoire chaque matin. J’ai fait ça pendant un an. Ensuite, j’ai acheté une première machine, j’ai construit une baraque en tôle contre ma maison. Et j’ai commencé comme ça.

MAG16  : L’entreprise a bien grandi depuis, comment vous êtes vous développé ?

Gildas Salvar  : Oui, J’ai acheté ici, à Tréméven, en 1986. Je me suis remonté les manches et j’ai construit 300 m2 de bâtiment en 6 mois ! Du terrassement jusqu’à l’électricité, j’ai tout fait avec l’aide de mon père et mes frères. D’année en année, nous nous sommes développés, en faisant appel à des entreprises, cette fois, pour atteindre une surface de presque 2 000 m2. Aujourd’hui, nous avons 7 machines pour faire des crêpes et 2 fours pour faire des gâteaux.

MAG16  : Vous ne faîtes donc pas que des crêpes ?
Gildas Salvar  : Nous faisons également beaucoup de gâteaux, des Kouign amann, des quatre quarts…

MAG16  : Qu’est-ce qui vous a poussé à passer de l’artisanat à l’industrie ?

Gildas Salvar  : C’est le client qui m’a poussé ! Quand j’ai commencé, il n’y avait pas beaucoup de grandes surfaces. Mais à partir du moment où nous avons commencé à distribuer nos produits dans un Rallye Super à l’époque, nous avons été référencés et nous avons progressivement fourni tous les magasins de cette enseigne en Bretagne. Aujourd’hui, je suis présent dans 80 % des grandes surfaces de la région.

MAG16  : Combien êtes-vous aujourd’hui dans l’entreprise ?

Gildas Salvar  : Nous sommes 11 mais nous étions entre 18 et 20 lorsque je suis parti, nous allions même jusqu’à 30 salariés l’été ! Je travaillais en deux-huit.


MAG16  : Justement parlez-nous de votre départ à la retraire en 2006 ?

Gildas Salvar  : À 52 ans, j’ai décidé de partir à la retraite. Avec le recul, je pense que je n’étais pas prêt ! Mais ma fille est tombée malade à cette époque, ce qui m’a mis un coup. Et puis, il fallait que je fasse beaucoup d’investissements dans l’entreprise car j’étais arrivé au bout de ceux que j’avais réalisés. À l’époque, je pensais aussi que ma fille reprendrait l’entreprise mais sa maladie l’en a empêchée. Alors, à 52 ans je n’avais plus envie. J’ai donc vendu mon entreprise à quelqu’un qui s’est malheureusement rapidement montré en difficulté. Au début, je pensais rester 6 mois pour accompagner le repreneur mais au bout de trois mois j’étais prêt à partir car je voyais bien que nous n’avions pas la même façon de travailler et que ça ne pouvait pas le faire.

MAG16  : Une expérience qui s’est mal terminée ?

Gildas Salvar  : Oui, dès 2011 il y a eu un plan de redressement et puis le 9 décembre 2017, il fermait la porte et mettait tous les salariés dehors. Du coup, ils m’ont demandé de revenir. J’ai accepté.

MAG16  : Qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre l’entreprise 11 ans après ?

Gildas Salvar  : Le personnel ! J’ai passé 30 ans avec certains d’entre eux. Ce sont des gens qui vivent ici et qui m’ont beaucoup aidé au début de l’entreprise. Lorsque vous démarrez, vous savez, ce n’est jamais simple ! Alors lorsqu’ils reviennent vous voir avec les larmes aux yeux pour vous demander de revenir, vous revenez. Ma femme et mes enfants n’étaient pas pour que j’y retourne mais je n’avais pas le choix. Je ne le regrette pas. Il y a une bonne équipe dans cette entreprise. Nous travaillons comme des copains ici. Tout le monde est responsable de sa partie et ça marche bien ! Tout le monde fait son travail. Mais un bateau sans pilote ça ne marche pas. Pour qu’une entreprise fonctionne il faut un patron. Et puis il n’y avait personne pour reprendre la crêperie sinon. Les seules personnes intéressées ne l’étaient que par l’achat des outils.

MAG16 : Ce retour n’a pas été trop compliqué  pour vous  ?

Gildas Salvar  : Si. Il a fallu tout reprendre ! Heureusement je n’étais pas tout seul. J’ai deux personnes qui sont également sorties de leur retraite pour venir avec moi dont un mécanicien. Pendant un mois, l’ensemble des salariés est aussi venu travailler bénévolement ! Nous avons lavé l’entreprise, retapé les machines qui ne fonctionnaient plus correctement. Ensuite, J’ai repris mon bâton de pèlerin pour partir, avec mes gars, sur les routes tous les matins à 5 heures pour retrouver des clients. L’entreprise les avait laissés tomber. Pendant cinq mois ils n’avaient rien à mettre dans leurs rayons. Tout doucement j’ai repris. Nous avons bien travaillé et nous avons fait une bonne saison.

MAG16  : Vous êtes-vous senti soutenu dans votre démarche  ?

Gildas Salvar  : C’était compliqué, il a fallu retrouver des clients mais il fallait aussi convaincre une banque de nous suivre. La banque qui m’avait suivi pendant 30 ans n’a pas voulu me soutenir, elle avait peur de prendre un nouveau bouillon. J’ai donc changé de banquier. Il a fallu convaincre des fournisseurs aussi. Ils n’avaient pas été payés, ils n’avaient plus confiance. J’ai dû payer ma matière première au « cul du camion » comme on dit… Quand au mois de juillet, vous avez 45 000 euros de beurre à payer tout de suite alors que, vous, vous êtes payé 45 jours après… c’est compliqué. Les seuls qui ont été compréhensifs ce sont les petits.
Je n’avais plus de camion non plus, j’étais obligé de les louer. J’ai fait tourner l’entreprise comme ça au départ. Quand, j’ai vu que ça allait un peu mieux, j’ai pu fixer mes conditions…
Et au final tout le monde a suivi car tout le monde gagne. Si nous avions fermé le vendeur de sucre, de carton, le marchand de lait auraient perdu un client eux aussi. C’est toute une économie derrière. Par contre, il faut dire ce qui est, Quimperlé Communauté avec André Fraval et le Maire de Tréméven m’ont beaucoup soutenu.

MAG16  : Quelle est votre recette pour relancer l’entreprise ?

Gildas Salvar  : Je n’ai pas la folie des grandeurs ! Je ne veux pas faire que de la grande distribution, car notre force c’est la proximité. Il faut que nous soyons chez nos clients tous les jours ou tous les deux jours. Nous n’avons, ni la taille, ni d’outils, pour faire des produits à très peu de valeur ajoutée. Nous ne pouvons pas faire les prix des gros industriels. Il faut donc que nous amenions à nos clients la qualité et le service. Si vos produits ne sont pas bons même avec le meilleur commercial du monde, ça ne marchera pas. Nous devons aussi nous adapter à la demande. Nous sommes annualisés ce qui nous permet de faire beaucoup d’heures lorsque c’est nécessaire et moins quand il y a moins de travail. Mais, les métiers de l’alimentaire fonctionnent comme ça ! Si vous voulez faire du bon boulot vous n’avez pas le choix. Sinon, vous êtes mort parce que vous faites des stocks et vous vendez des vieux produits qui sont moins bons.

MAG16  : Vous allez devoir réinvestir ?

Gildas Salvar  : Oui mais c’est pareil, on est prêt à m’aider mais uniquement pour l’achat de matériel neuf ! Je ne peux pas ! J’ai dû acheter un four et une machine par exemple. Le four neuf c’est 35 000 euros, la machine 50 000 euros. J’ai trouvé les deux d’occasion pour pas trop cher. Nous allons les bricoler et les mettre aux normes tranquillement avec mon mécanicien et puis roule ma poule ! Il n’est pas question que je mette l’entreprise dans le rouge. Je me passerai donc des aides.

MAG16  : Vous avez toutes les compétences en interne ?

Gildas Salvar : Oui, nous sommes autonomes. Lorsqu’une pièce sur une machine fatigue ou qu’elle casse nous la fabriquons nous-même car j’ai un atelier de mécanique complet. Si vous prenez des entreprises extérieures, vous avez pour plus de 40 000 euros de maintenance par an !
Nous avons fait avec 10 000 en ayant aussi quelqu’un qui peut intervenir tout de suite si une machine tombe en panne. Si une pièce est cassée, je refais la pièce le soir et le lendemain la machine est en marche.

MAG16  : Pour combien de temps êtes-vous de retour ?
Gildas Salvar  : Je ne sais pas. Depuis mon retour, je dis que je serai là peut-être 6 mois ou peut-être 10 ans ! Si demain quelqu’un de sérieux revient pour prendre la suite, je pars, s’il n’y a personne, je reste. S’il faut accompagner le repreneur, je reste. C’est tout. J’ai eu 64 ans au mois de juin, je ne vais pas non plus rester éternellement mais ça tout le monde l’a compris. je ne suis pas irremplaçable. N’importe qui peut suivre cette entreprise. Il suffit d’être là, d’être courageux et puis c’est tout ! Moi je n’ai qu’un certificat d’études… il faut être présent dans l’entreprise pour qu’elle fonctionne.

MAG16  : Vous n’êtes pas pressé de retrouver votre retraite alors ?

Gildas Salvar  : Non, mais je ne m’ennuyais pas du tout à la retraite ! J’ai fait plein de choses que je ne referai pas maintenant car j’étais plus jeune. Je suis un passionné de mécanique et de 4X4. Je faisais de l’assistance sur des rallyes en Afrique du nord 3 ou 4 fois par an… Je m’occupais aussi des 2 hectares de mon jardin. La vie était belle. Moi, je n’ai jamais arrêté de travailler ! Je n’en fais pas plus ici que quand j’étais à la maison ! Mais, je suis revenu dans l’entreprise et ça ne me gêne pas. Il y a une bonne ambiance. C’est une belle petite boutique et ça fait plaisir de la faire marcher. Après, j’ai des vieilles voitures à restaurer à la maison qui m’attendent…

MAG16  : Quel est votre lieu préféré sur le territoire ?

Gildas Salvar  : Tréméven ! Je suis bien à Tréméven.

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