« Je suis un enfant de la République. J’ai découvert les livres, la littérature grâce à de bons professeurs. » confie d’une voix douce et posée, Frédéric Martin. De cette passion qui le voit, petit minot de Marseille où il a grandi, des livres sous le bras plutôt que le ballon de foot. « Il y a une mythologie familiale qui disait que je ne pouvais pas me déplacer sans un, voire trois ouvrages avec moi par peur de manquer. » Bibliothèque verte, rose, encyclopédie, bandes dessinées… c’est un boulimique qui dévore tout ce qui peut être lu, mais son premier choc littéraire reste « Vingt mille lieues sous les mers » de Jules Verne. « J’ai dû le lire 5 ou 6 fois un été quand j’avais neuf ans. » Parmi ses auteurs favoris, il y a aussi Francis Ponge, Michel Leiris et tant d’autres…
Après des études en école de commerce, il effectue un stage au Centre National du Livre. Un stage qui lui ouvre les portes de la maison d’édition Viviane Lamy. Un parcours rêvé où il faut « une part de chance et d’obstination, mais de toute façon, je ne m’imaginais pas travailler ailleurs que dans le domaine du livre. » analyse-t-il. Il y reste sept ans puis décide de cocréer avec Benoît Virot, la maison d’édition, Attila, en 2009, qui se scinde en deux quelques années plus tard et d’où émergent les éditions Le Tripode. À sa tête, Frédéric Martin en fixe le crédo « littérature, art, ovni ». « Tous les livres du catalogue sont les trois à la fois : de qualité littéraire, soignés graphiquement et inclassables. » se félicite l’éditeur indépendant. Un choix éditorial qui sera récompensé par plusieurs prix : Renaudot, Le Monde, Livre Inter, France Télévisions…
Le sentiment d’une singularité
Au-delà de la qualité littéraire, ce qui détermine le choix de publier un auteur, c’est « le sentiment d’une singularité, d’un nouveau voyage, d’un dépaysement. Je crois qu’on est éditeur comme on est à peu près dans la vie, on aime faire des rencontres. » observe-t-il et de comparer, « un éditeur, c’est un peu comme un comédien, il traverse plusieurs vies chaque année, là où un auteur va être un peu dans la solitude de son projet pendant des années. »
C’est encore le même esprit d’aventure et cet amour inconditionnel des livres qui portent notre éditeur à ouvrir un nouveau chapitre aux Éditions Robert Laffont. Une maison prestigieuse qui a publié des grands noms « comme Frank Herbert, Margaret Atwood, Marc Lévy, Ken Follett… » cite Frédéric Martin, nommé directeur général depuis janvier dernier. Un catalogue hétéroclite qui lui ressemble au final. « Moi-même par goût, j’ai plutôt l‘ADN de la diversité. Regardez le catalogue du Tripode, il y a des auteurs très différents. Là encore je vais pouvoir aller plus loin dans la générosité, dans l’envie de faire découvrir des nouvelles voies ou façons de voir le monde. » Et d’horizons multiples, justement, il en est un vers lequel notre éditeur revient toujours, celui de Malachappe où il vit avec sa famille. Loin de se laisser étourdir par le chant des sirènes toutes parisiennes, c’est bien celles du littoral moëlanais qui l’ont envoutées depuis plus d’une dizaine d’années. Cet attachement au territoire, « il est crucial. Car pour publier, il faut se confronter à la réalité des lecteurs. On est là pour transmettre ce qu’on a reçu de certains livres et les partager avec d’autres, pour permettre ces rencontres avec les auteurs. » affirme-t-il en regard du festival porté par l’association locale « La vache qui siffle » : « Où va le monde ? ». Et vous, Frédéric Martin, hors le monde des livres, où allez-vous ? Vingt mille lieux au bord d’une mer du Nord ou Méditerranée, d’un océan Atlantique ou Pacifique, d’une rivière, La Laïta… ont situé ses différents ports d’attache au cours de sa vie. Quel que soit le point de vue terrestre, l’eau est son jardin secret. « C’est juste le bonheur d’y être, de me baigner. » Une étendue insondable qui participe à la poésie des lieux, au-delà des mots…